Napoly harmony
Descendre au fond des cendres
Je veux te parler d’une ancienne malle patinée par le temps, comme celle que tu as dans ta chambre enfouie sous ton meuble de postier, une malle dissimulée, effacée au fond des pensées, dans le tiroir de nos mémoires…
Je veux te conter cette malle antique, envahie des vestiges du passé, laissée de côté, comme oubliée, abandonnée par facilité pour ne pas se blesser, ne pas se faire mal, pour ne pas se faire la malle et tout quitter. Nous savons tellement éluder et nous dérober.
La serrure semble rouillée, nous ne parvenons pas à la déverrouiller, nos doigts restent bloqués, tétanisés lorsqu’il s’agit de l’approcher… elle est pleine de souvenirs conservés hors de portée, hors de nos frontières, exilés.
Elle est emplie du temps qui passe et des traces laissées par d’autres que nous, bien avant nous, les vies d’autres êtres qui marquent en nous ces empreintes, ces cicatrices, ces mémoires, notre histoire. Elle contient les dangers de nos passés irrésolus, et d’histoires plus universelles…
Pouvons-nous l’ouvrir, cette malle du passé, et venir remuer les cendres, dégager les scories, scruter, creuser, déterrer ce qui n’existe plus qu’en ombres portées ? Et souhaitons-nous vraiment y pénétrer ?
A la veille de notre départ, étrangement mon regard est attiré par cette ancienne malle oubliée dans ta chambre, comme si elle resurgissait du passé, grondait et se faisait entendre à la manière du Vésuve un matin d’octobre, comme si elle soulevait des questions devenues urgentes à l’aube de notre voyage…
Pouvons-nous rester indifférents à cet appel et demeurer dans le flou, le doute ou l’oubli ?
Ou bien pourrions-nous décider de reconstruire sur les cendres des corps morts, sur les fragments trouvés, sur les traces du passé ? Soulever la poussière, sonder le mystère?
Forts de toutes ces mémoires, ces souvenances, ces souvenirs, accepterions-nous d’ouvrir ensemble cette malle et d’entendre son cri, la colère qu’elle conserve depuis tant d’années surgissant du coeur de la terre ?
Dans le noir et la poussière, saurions-nous faire le deuil, celui d’existences disparues au vent des cendres dispersées comme celui de nos années passées, séparées ?
Empruntant ce chemin, irais-tu au plus profond de tes plaies panser ton corps, expulser ton cri viscéral, ta colère sourde, et écouter ton coeur pour remémorer la vie qui t’habite ?
Saurais-je quant à moi réveiller certains silences, retracer des deuils et apaiser une absence ?
Sortirions-nous de la poussière, percerions-nous le mystère ?
Irais-tu sonder les couloirs de mon âme ? Plongerais-tu dans les profondeurs parfois sombres de mes pensées ?
Pourrais-je vaincre mon vertige en me penchant sur l’espace infini de ton coeur désormais libre et libéré, vestige de tes peurs dépassées et enterrées ?
Ouvririons-nous la malle à nouveau, sans peur d’y trouver les ombres de certains décombres qui nous parlent et, à bien les écouter, qui racontent qu’après tant d’années, nous nous sommes trouvés ?
Pourrions-nous ensemble découvrir Pompéï et descendre au plus profond des cendres, puis remonter dans les allées de ce jardin aux arômes de demain, et simplement cueillir les fruits que nous offre la vie ?
© Textes et photographies: Lorraine Thiria/All rights reserved
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