La page manquante

Tu reviens d’une performance d’un de tes amis au musée des moulages de l’hôpital Saint Louis, sur le thème de la page manquante. Il s’agissait de proposer à différents artistes de créer ou de concevoir chacun à leur manière leur page manquante : référence nécessaire et pourtant oubliée d’un catalogue, d’un livre… réparation d’une injustice, d’un regret, expression d’un oubli ou d’une vengeance, selon le propos ou l’idée que chacun se fait de sa page, sciemment ou non, oubliée, des raisons et du sens de cette absence.

Tu t’es posée la question de savoir ce que toi tu aurais fait devant le sujet de la page manquante.

Et spontanément, t’est venu à l’idée que ta page manquante à toi serait ta page blanche, celle que tu n’as pas encore écrite, celle qui t’effraie un peu, devant laquelle tu butes car tes peurs te paralysent la main.

Ta page blanche serait celle qui t’attire et te répulse en même temps, celle que tu ne veux pas écrire, que tu n’oses pas écrire. 

Car c’est celle qui s’écrit d’elle-même, comme en écriture automatique ou en rêve, celle qui s’écrie et t’interpelle, celle que tu découvres avec émotion et joie, car ta vie est belle et que tu es confiante, celle qui se trace et se dessine chaque jour avec l’homme de ta vie.

Ta page manquante est ta page blanche, celle de ton futur encore inexploré, du feuillet qui ne demande qu’à noircir, qu’à épaissir sous la densité de l’encre, sous la puissance des émotions et des souvenirs mêlés. Ta page manquante est ton souffle, ton rythme, tes pulsations.

Ta page manquante est ta mémoire, celle encore enfouie qui ne demande qu’à exister et à s’exprimer, à s’inscrire non plus sur la feuille mais aussi sur les corps et dans les coeurs.

Elle est l’histoire, ton histoire en devenir, ton avenir.