Faire corps
Faire ou défaire corps ?
Telle est l’expérience suprasensible, enveloppante et envoutante que nous proposent Claire B. et Adrien M., artistes plasticiens visuels et graphiques.
Penser son corps, son espace personnel et intime en relation, en connexion et même parfois en osmose avec d’autres espaces, individuels ou collectifs, réels ou imaginés, lointains ou adjacents.
Appréhender son corps reliés aux autres par certains fils invisibles, certaines fluctuations ou vibrations qui nous dessinent et nous définissent, qui nous questionnent et nous révèlent.
Visualiser puis tordre, décaler les frontières de son propre espace, son corps, par des mouvements subtils et fugaces, oniriques.
Profiler et tester ses limites, les mettre en discorde, les dissocier.
Immerger son corps de flux visuels, devenir tableau, miroir ou livre ouvert de lettres, signes, points, cristaux, microbiotes le recouvrant graduellement, musicalement, tout en poésie et en abstraction. N’être plus qu’à l’écoute de ses perceptions corporelles.
Fusionner l’espace du corps et celui du décor, traverser les pièces sombres, les tâches d’ombres et les flux de lumières, passer de l’un à l’autre au point de perdre la notion de l’espace.
Voir son corps déformé, perturbé par des miroirs infidèles, le sentir liquide, le penser fondant, fondu, fantôme ; se mouvoir dans un espace inconnu découvert au seul son de la musique et des pas feutrés sur les lignes noires et blanches ondulant sur le sol à mesure du passage des corps…
Flotter dans l’espace aérien de flocons instables fluctuant au même rythme que le corps qui les anime et les fluidifie.
Se déshabituer de la forme, du mouvement habituel du corps car le ressenti vécu ne ressemble plus à la vue de ce corps déformé, devenant autre, protéiforme et inconstant : les mêmes gestes engendrent d’autres visions et d’autres versions, d’autres effets et d’autres reflets.
Se dissocier de son propre corps au point de l’envisager autre, d’expérimenter un corps imaginaire, de l’interpréter comme un monde distinct ; accepter l’idée ou plutôt la sensation de se promener hors de son corps, associé à un autre espace, mouvant au gré de ses sensations plus que de ses intentions.
Envisager l’agilité de ce corps en association avec d’autres corps et en dissociation du sien puis effectuant le mouvement inverse pour revenir et repartir dans une danse légère, alerte et éveillée à la fois.
Créer des sculptures de corps, de son propre corps mêlé à l’espace global.
Supprimer du bloc de terre, de pierre ou de marbre tout ce qui n’est pas corps, pour faire un corps, faire corps, et n’être plus qu’un corps.
Défaire corps pour le recréer, différent, original, perturbé, revisité, vivant, au son d’autres thèmes, d’autres notes, d’autres matrices.
Puiser dans cette ouverture une teinte de liberté, une matière nouvelle, savourer l’intuition.
Expulser de ce corps le superflu, le libérer des contraintes, du poids du temps révolu ou de l’espace restreint.
Telle est l’expérience vécue : défaire pour recréer, déformer pour revisiter, liquéfier pour ressentir, se délier pour renaître.
© Textes et photographies: Lorraine Thiria/All rights reserved
Le contenu de ce site est protégé par le droit d’auteur, toute reproduction totale ou partielle est interdite