Transmissions : images et sons
Aimons les émotions des images et des sons
Des paysages immenses mouvant tes sensations
Des métaphores aux rythmes du langage comme réponse
Si l’on t’interroge sur les deux artistes, les deux oeuvres, dans le domaine littéraire, plastique, pictural, théâtral, photographique ou cinématographique qui t’ont le plus fait vibrer au cours de l’année 2019, te viendraient assez spontanément à l’esprit le metteur en scène Julien Gosselin et le réalisateur Joseph Rottner.
Tu pourrais aussi y ajouter le peintre Marc Perez et le photographe Stéphane Lavoué, ou encore et toujours revenir à Xavier Dolan, mais il te faut choisir et comme tu n’aimes pas prendre une décision ni créer une préférence entre des oeuvres que tu as toutes appréciées, tu laisses les images venir à toi et s’imposer, t’imposer un choix.
Ce n’est sans doute pas un hasard si ton choix s’est donc arrêté sur la dernière pièce de Gosselin (les Joueurs, Mao II, les Noms), ou sur le film de Rottner (Journal d’un disparu), car le point commun entre la pièce et le film est la puissance des images et leur relation au langage; ce que vous dit une image sans langage, une image comme langage : l’image autorisant librement une forme de langage universel, l’image accompagnant ou décuplant les mots, ou même les oubliant (les surpassant, les effaçant) pour ouvrir à une autre dimension.
Cette dimension est celle des sensations, des perceptions, la force des images et aussi tout ce qu’elles transmettent, ce qu’elles suggèrent.
Voir les images non plus avec les yeux mais avec les oreilles, la bouche, le coeur, la peau.
Oublier pour un temps l’esprit et l’intellectualisation d’un texte dit, d’un texte prononcé ; se concentrer sur le rapport de l’image au son, de l’image aux mots, de leur symbiose, ce que l’un apporte à l’autre, propage à l’autre, révèle de l’autre ; se laisser envahir par le rythme, les couleurs, la musique du couple image/son. Et comprendre que cette relation est porteuse de sens et de transe ; que de cette relation naît une myriade d’émotions aussi distinctes que denses et personnelles, cadencées, exponentielles.
Se souvenir toujours que ces images créant des émotions nourrissent votre monde intérieur et intime ; qu’elles l’habitent et l’étoffent, le font croître, l’enrichissent et l’ouvrent sur les autres; ces images extérieures retranscrites et ré-interprétées avec les sens deviennent votre intériorité, votre matière, votre être profond, celui qui vit en harmonie avec le monde extérieur qu’il nourrit à son tour, dans ce cycle infini de va-et-vient créant la singularité de chacun et l’existence des fils invisibles qui vous relient tous.
Fils invisibles magnifiquement suggérés dans le long métrage de Joseph Rottner qui se plaît à vous questionner sur votre interconnexion aux autres, aux morts et aux vivants, aux ombres et aux fantômes, sur la nécessité d’être au coeur de vos sensations (quitte à repartir à la source) pour revisiter votre espace et votre temps à la recherche de vous-même.
Fils invisibles tout aussi bien magnifiés par Julien Gosselin lorsqu’il dépeint des corps enfermés à l’intérieur d’eux-mêmes, étouffés, sclérosés, qui ne parviennent plus à utiliser le langage (lequel?) pour vivre, survivre, être, et communier avec les autres, présents et absents, au présent et passé, tous désespérément vides et en quête de sens.
En écrivant ce texte, tu te souviens des moments intimes et collectifs que tu as vécus grâce à ces deux expériences. Tu t’en souviens très précisément car elles t’ont plongée au coeur de tes sensations, au sein d’une partie de toi-même non pas que tu découvres mais que tu acceptes de regarder, d’explorer et d’écouter avec intérêt, celle qui te définit, la part sacrée et non travestie de toi-même qui ne cesse de s’étoffer et de grandir depuis qu’elle est reconnue.
Quand tu es capable d’être en lien avec elle, tu atteins un espace que nul ne peut connaître à part toi-même, une région qui te rend sereine car au plus près de ta réalité; et cet espace, une fois connu, visité, et un peu apprivoisé, peut ensuite être partagé.
Oui, ce lieu te confère la force d’exprimer avec des mots la plongée que tu as vécue dans ton intériorité et d’utiliser ton langage pour t’accorder à la vie et te raccorder aux autres; moins pour révéler vos liens invisibles que pour déjà les toucher.





© Textes et photographies: Lorraine Thiria/All rights reserved
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